FLUX - UNE SOCIÉTÉ EN MOUVEMENT
AVEC LES ŒUVRES DE :
Lionel BAYOL–THEMINES / Aglaé BORY / Bruno BOUDJELAL / Guillaume CHAMAHIAN et Julien LOMBARDI / Margaret DEARING / Mathieu FARCY et Perrine Le QUERREC / Samuel GRATACAP / Marine LANIER / Florent MENG / Sarah RITTER / Hortense SOICHET
INFORMATIONS PRATIQUES :
Du 19 septembre 2020 au 3 janvier 2021
LE QUADRILATÈRE
22 rue Saint-Pierre à BEAUVAIS
Ouvert du mardi au vendredi de 13h à 18h et le weekend de 10h à 18h
Tél. : 03 44 15 67 00
Entrée libre
FLUX - UNE SOCIÉTÉ EN MOUVEMENT
Le programme Flux, une société en mouvement, mené en association avec le CRP/ Centre régional de la photographie Hauts-de-France et Diaphane, pôle photographique en Hauts-de-France, aborde le monde actuel à travers les multiples mouvements qui le fondent et le traversent au quotidien.
Ce sont 15 photographes ou duos d’artistes qui ont pu réaliser le projet qu’elles et ils avaient proposé lors de l’appel à candidature. Chacun témoigne d’une manière singulière des multiples flux irriguant notre quotidien et de leurs conséquences environnementales et sociétales. Flux financiers, flux logistiques, flux humains, flux électriques, flux des données, flux des matières premières… s’enchevêtrent, s’emballent et parfois finissent par déborder.
L’ensemble est également représentatif de la richesse de la scène photographique française, en mettant l’accent sur ses talents émergents, pour lesquels c’est bien souvent une première entrée dans les collections publiques.
Les deux expositions organisées à Beauvais et Douchy-les-Mines rassemblent les travaux des 15 photographes de la commande, dans le cadre de la 17ème édition des Photaumnales.
Dans le livre Flux, une société en mouvement, coédité par le Cnap et les éditions Poursuite (Arles), chaque artiste a choisi l’auteur qui accompagne ses œuvres, par affinités et envies de rencontres, tout en travaillant avec le graphiste et l’éditeur à la mise en forme des pages dédiées à son travail.
Le texte introductif, écrit par Bruce Bégout, philosophe et romancier, est conçu, sous la forme d’une carte blanche, comme une seizième participation à ce projet. L’auteur y interroge notre relation vitale avec les flux d’un point de vue anthropologique. Ce livre photographique, à travers ces langages artistiques et critiques singuliers, expose ainsi autant un état du monde que de la photographie contemporaine, qui représente et documente, pour produire une connaissance actualisée de tous les aspects de la vie, des plus visibles aux plus infimes.
Lionel BAYOL-THÉMINE
Flux-Scape
La vie des hommes a depuis le début de l’humanité toujours été étroitement liée aux flux, qu’ils soient humains, économiques, culturels ou scientifiques.
Avec le projet Flux-Scape, Lionel Bayol-Thémines étudie les flux de données, et notamment le flux des images documentant les paysages de notre planète et constituant une mémoire de ces espaces géographiques en mutation, eux-mêmes souvent la conséquence de l’activité humaine et de ses excès. Tous les flux sont interconnectés, le changement climatique avéré influe sur d’autres flux : économie, migrations, guerres… et modifie durablement les cartes.
La nature de ces nouvelles images est d’autant plus questionnante qu’elles sont issues de captations générées automatiquement par des ordinateurs et par l’Intelligence Artificielle. Les flux ininterrompus de photographies n’ont plus besoin d’opérateur ni d’intermédiaire pour exister. Quel devenir peut-on envisager pour ces représentations dans la mesure où le régime des images existe avant tout dans son rapport à notre regard ?
Ce projet a pour ambition de questionner les profondes mutations induites par les nouvelles technologies tant dans la création des images que dans leur mode de diffusion. La véracité de ces nouvelles images, et leur rôle de document, voire de preuve de la mutation de notre espace de vie, en font aujourd’hui un enjeu sociétal essentiel.
Scientifique de formation, Lionel Bayol-Thémines (1968) est diplômé de l’École nationale supérieure de la photographie d’Arles. Résident permanent de la Fondation nationale des arts graphiques et plastiques, il se consacre depuis lors à sa recherche personnelle et enseigne la photographie à l’École supérieure d’art et design Le Havre-Rouen. Il vit et travaille à Paris.
Figures Mobiles est un travail photographique sur l’attente, interminable, d’hommes et de femmes venus de loin, qui dans l’espoir de trouver refuge en France ont déposé une demande d’asile. Ils vivent dans des centres d’hébergement en attendant leur convocation et la décision de l’OFPRA de leur attribuer ou non le statut de réfugié. Ou celle de la CNDA quand l’OFPRA leur a opposé un refus.
Ces acronymes sont les lieux administratifs de l’exil. Ils sont connus de tous les nouveaux arrivants comme des noms à part entière. De ces entités décisionnaires dépend leur avenir. Les délais de traitement des dossiers sont très longs et l’attente est douloureuse et incertaine. Dans ces lieux, évoluent des êtres dans l’attente, figures pensives absorbées dans leur intériorité. L’espace, sobre, permet, dans l’amplitude de l’image fixe, le déploiement d’un temps long et comme ralenti. Ils sont parfois allongés, vulnérables dans le refuge du sommeil ou bien assis sur le rebord d’un lit ou d’un muret, ou encore immergés dans la mer, devenue métaphore de la traversée.
L’espace photographique devient un espace de liberté où ces femmes et ces hommes peuvent s’offrir pudiquement au regard du spectateur dans la fragilité et la singularité de leur existence et attester de leur intimité indivisible et absolue.
La lumière, l’échappée d’une fenêtre, au-delà du cadre, appellent tout à la fois l’inquiétude de l’avenir mais aussi l’espérance et le retour à soi.
Aglaé Bory (1978) a étudié l’Histoire de l’Art à l’université d’Aix-en-Provence et la photographie à l’École nationale supérieure de la photographie d’Arles. Elle est représentée par Delphine Charon Label Expositions / www.labelexpositions. Elle vit et travaille à Paris.
Bruneau BOUDJELAL
Ne mourrons pas fatigués
Ce projet porte sur le flux des migrations. Ne mourons pas fatigués… construit l’histoire de plusieurs migrants rencontrés dans différents lieux en France (Paris, Les Vans, Clermont-Ferrand, Lorient et Marseille…), et en rapporte des témoignages photographiques et des histoires personnelles. Bruno Boudjelal compose ses portraits en trois fragments, un corps, un objet, un témoignage qui expriment pour chacun d’eux leur volonté de continuer à vivre et à avancer, qui leur permet d’être toujours là debout, de s’inscrire dans la vie et de garder leur humanité ?
Doumbia est camerounais. Il vit à Douala lorsqu’il décide de quitter son pays à l’âge de quinze ans, conscient qu’il est préférable d’arriver en Europe encore mineur.
Lorsque je lui demande comment il a tenu face à toutes les épreuves traversées, il me répond qu’il a un secret, celui de toujours bien dormir quel que soit l’endroit où il se trouve.
« Nous avons remarqué avec mes compagnons de voyage que si nous étions fatigués, il nous arrivait alors encore plus de problèmes, d’où la préoccupation quotidienne et essentielle de toujours trouver un lieu où bien se reposer. D’ailleurs nous avions avec mes amis une sorte de maxime qui disait que même si dans cette aventure la mort est au bout du chemin, ne mourons pas fatigués ! ».
Bruno Boudjelal (1961) est membre de l’Agence VU’. Après des études de géographie et quelques années passées comme guide en Asie du Sud-Est, il part sur les traces de ses origines paternelles en Algérie en 1993 et choisit la photographie comme medium d’exploration et de témoignage engagé. Il vit et travaille entre Paris et l’Afrique.
Guillaume CHAMAHIAN et Julien LOMBARDI
Nemo Dat Quod Non Habet
Le 28 novembre 2017, à Ouagadougou, Emmanuel Macron déclarait vouloir « un retour du patrimoine africain en Afrique ». Un rapport, de nombreux débats et de vives réactions s’en sont suivis. Ces objets d’art, sans être sur le chemin d’un retour, ne sont désormais plus entièrement dans les collections de nos musées. C’est dans cet espace d’irrésolution que Guillaume Chamahian et Julien Lombardi ont placé leurs recherches.
Comment représenter les flux qui jalonnent l’histoire de ces objets, évoquer leurs devenirs ? Comment représenter le rapport de l’Occident à sa mémoire coloniale ? Comment exprimer les stigmates des êtres et des cultures qui ont subis ces pillages ?
Pour expérimenter cette situation, lui redonner une échelle, ils ont choisi d’acquérir par les voies légales du marché un fétiche. La sensation que reconstituer le parcours de ce fétiche - rejouer les actes qu’il a subi pour devenir œuvre de musée - est une dépossession de sa raison d’être. Bien trop loin de sa terre d’origine, des rituels qui chargent son pouvoir magique, il a été une seconde fois désacralisé.
Après l’avoir - pour un temps - affranchi du marché de l’art, l’avoir exploré sous toutes ses coutures, la responsabilité qui leurs incombe pose une nouvelle question : à présent, que faire de cet objet ?
Guillaume Chamahian (1975) est un artiste autodictacte. Il a été le fondateur et le directeur artistique du festival Les Nuits Photographiques à Paris. Il vit et travaille Marseille. Julien Lombardi (1980) s’inspire librement de sa formation en anthropologie et des outils d’investigation qu’elle offre pour conduire des enquêtes dont les finalités sont plus sensibles que scientifiques. Il vit et travaille à Marseille.
www.guillaumechamahian.com / https://julienlombardi.com
Margaret DEARING
Sous-sol 1, Sous-sol 2, Sous-sol 3
Si l’urbanisme du quartier d’affaires sur dalle de Paris-La-Défense atteste d’une pensée qui prône la planification, l’efficacité, la fluidité au service de l’économie mondialisée, l’expérience de sa partie souterraine où se concentrent les différents flux de circulation nous rappelle des imaginaires urbains plus inquiétants. L’organisation des espaces sépare les publics, les usages, en fonction des statuts des personnes qui les traversent, évoquant des rapports de force inhérents à nos sociétés contemporaines.
Les photographies, organisées en séquences dans Sous-sol 1, Sous-sol 2, Sous-sol 3, donnent à voir des lieux et des situations quotidiennes et dérisoires, extraites de leurs contextes par des cadrages précis. Une berline en mouvement dans un parking se confronte au choc des corps des usagers filtrés par les portillons du RER, à la souillure ou l’éclat d’un matériau dans une aire de livraison, à l’apparition d’un visage verdâtre à travers les vitres teintées d’un taxi.
Des cadres en costume, des employés, des travailleurs semblent se croiser sans se rencontrer. D’autres personnages, en situation de grande précarité, tentent de survivre dans l’anarchie des interstices du quartier, leurs déplacements contraints par le manque de chance et la misère. L’ensemble de la séquence suggère un environnement urbain qui tendrait vers la dystopie. Si on se déplace dans ces lieux, les passages entre ombres et lumières laissent présager de mornes issues.
Margaret Dearing (1979) est diplômée de l’École nationale supérieure d’arts de Paris-Cergy en 2001, puis de l’École nationale supérieure de la photographie d’Arles en 2004. Elle vit et travaille à Paris.
Mathieu FARCY et Perrine LE QUERREC
L'augure
L’augure, dans la Rome antique, était le prêtre dont la charge était d’observer le vol des oiseaux afin d’en tirer des présages pour la conduite des affaires publiques.
Dans L’augure nous mettons en lien les flux d’informations et les rapports au corps qu’ils induisent.
Notre travail se présente sous forme de triptyques composés d’une archive visuelle, une photographie de Mathieu et un texte de Perrine. Ces triptyques n’empruntent pas de chemin systématique. Les trois éléments sont mobiles, mais ils marquent toujours : une origine, un trajet, une destination.
Les triptyques sont des structures propres à l’iconographie religieuse, ils sont pensés comme des objets précieux et sacrés. Ils proposent, par leur disposition, de ralentir et de s’appesantir.
Avec L’augure, nous proposons un arrêt du flux par l’étude de ses trois composantes : l’origine, le trajet et la destination.
Mathieu Farcy, photographe, et Perrine Le Querrec, écrivaine, forment le duo PLY. PLY engage leur création commune vers des chroniques poético-documentaires faisant intervenir l’image, le langage et la mémoire. Mathieu Farcy (1985) vit et travaille en Picardie. Perrine Le Querrec (1968) vit et travaille entre Paris et le Berry.
www.mathieufarcy.com / www.perrine-lequerrec.fr
Samuel GRATACAP
Bilateral ( France-Italie)
Depuis plusieurs années, je me rends sur des territoires qui portent en eux les traces d’une occupation précaire, provisoire, d’un passage et d’une histoire contemporaine : celle des chemins de l’exil sur le pourtour méditerranéen. De ce phénomène global, majeur, on peine parfois à saisir la réalité et la pluralité des situations qu’il recouvre. Ces années de travail en France, en Italie, en Tunisie et en Libye m’ont permis de rencontrer des personnes qui éprouvent et écrivent l’Histoire, qui l’observent et la racontent. Ce sont leurs récits et leurs présences qui constituent la trame de ma recherche photographique.
Cette série de photographies, réalisée de 2017 à 2019, fait écho à la présence des « solidaires » et au passage d’exilés dans cette zone géographique des Alpes qui sépare l’Italie de la France. C’est aussi un travail sur le paysage-limite, d’un côté et de l’autre de la frontière, celle qui sépare et unit tour à tour ; les cols de l’Échelle et du Montgenèvre étant devenus depuis 2017 des territoires en lutte pour le libre passage des personnes au sein d’une Union européenne normalement « sans frontière » mais divisée face à l’accueil des étrangers. Le comportement de la justice et des policiers plaçant la solidarité envers les exilés sous le signe du « délit d’aide à l’entrée sur le territoire », c’est donc dans un climat de méfiance à l’égard des médias et plus généralement des images que j’ai tenté de porter mon regard et tendre l’oreille face à des militants des premières luttes et d’autres, moins expérimentés, qui décidèrent de tendre la main à ces « visiteurs impromptus », pour reprendre l’expression d’un solidaire.
Samuel Gratacap (1982) est diplômé de l’École supérieure des Beaux-Arts de Marseille (2010). Il est actuellement pensionnaire à la Villa Médicis (promotion 2019-2020).
Marine LANIER
Les contrebandiers
Le contrebandier est par essence celui qui traverse, symbolise le passage, se déplace. Il est l’image du hors-la-loi, du clandestin, de la marge, celui qui transgresse, échappe aux normes, à ce qu’on cherche à contenir, discipliner, asservir.
Il évoque la possibilité d’un ailleurs — l’accès d’un état à l’autre, au sens physique et métaphorique. Il nous renvoie au secret, au danger, au crime, à l’Eldorado — dans le même temps à l’idée de métamorphose, de liberté, de prise de risques, au visible et à l’invisible.
Ici, les portraits alternent avec des fragments de nature, des objets, dans une appréhension atmosphérique du paysage, liée aux conditions de survie, d’altitude, de végétation, de climat. Les photographies croisent des tons chauds, liés à la couleur de l’or, de la conquête, à celle de la brûlure du soleil, avec des tons froids, relatifs à l’énergie de la nuit, de la neige, du repli. Le regard circule, de l’ascension au déclin, du mouvement à la fatigue, de l’abattement au courage.
Les personnages, sans qu’ils ne soient nommés, vivent dans une sorte de marge du monde contemporain. Aussi, plus largement, au-delà de cette figure centrale du contrebandier, j’évoque une sorte d’épopée anachronique de colporteurs, passeurs, brigands, voyageurs, déserteurs, ermites, braconniers, interrogeant l’aller-retour entre le geste de passer, celui d’aller de l’avant, et l’attente, la stase, l’immobilité. Mes images sont à la fois engagées et politiques, oniriques et poétiques. Elles ne résolvent rien. Elles ouvrent des pistes, des chemins de traverses, des portes dérobées.
Marine Lanier (1981), diplômée de l’École nationale supérieure de la photographie d’Arles en 2007, est représentée par la Galerie Jörg Brockmann à Genève. Elle vit et travaille entre Crest et Lyon.
La rue de Genève relie la ville d’Annemasse à Genève en Suisse. Elle est l’une de celle, nombreuses qui, partant de France, s’enfonce dans l’étroite bande de campagne qui entoure la capitale lémanique et qui se doit de rester agricole en cas de guerre. Ces voies frontalières amènent à la capitale l’énergie, 50 000 travailleurs français et 20 % de son PIB.
À l’heure des désillusions européennes, ils sont de plus en plus nombreux à suivre cette route chaque matin.
Avec l’arrivée du gouvernement Macron, la Chambre de commerce et d’industrie France-Suisse organisait récemment à Genève une conférence intitulée « La France : une destination attractive pour vos affaires ! ». Au même moment, la Suisse a mis en place la loi de la « préférence indigène » qui réduit l’accès au travail des frontaliers, privilégiant pour certains secteurs l’embauche de candidats suisses.
Si l’effet du travail transfrontalier reste mineur au niveau macroéconomique, il a progressivement bouleversé le paysage et les économies locales. Les quinze planches qui composent la série écrivent une histoire pleine de contre-courants, dans laquelle deux modèles de sociétés interdépendants cherchent encore une identité commune.
Florent Meng (1982) est diplômé de l’École des Beaux-Arts de Paris et du programme Workmaster de la HEAD – Genève. Il recourt tant à la série photographique qu’au film, à la fiction qu’au documentaire pour explorer la façon dont le territoire peut agir sur les comportements des communautés.
Sarah RITTER
L'ombre de la terre
Les photographies sont issues de différents contextes (laboratoires d’optique, archives scientifiques, Alpes, entre autres), et prennent racine dans une résidence dans un laboratoire d’optique contemporain, utilisant la lumière laser comme outil et objet de recherche. Les chercheurs et les ingénieurs se retrouvent ainsi dans un contexte semblable à celui d’un laboratoire argentique, où le laboratoire ne tolère qu’un type de lumière lors des manipulations.
La salle d’expérience des laboratoires produit ainsi un espace de clairobscur, de projections plus ou moins maîtrisées, où les visages et les corps se fondent dans des nuits ponctuelles et fabriquées. Les ombres, les paysages et les objets répondent à cet espace d’une manière ambiguë, espaces non situés, renversés parfois. Au fond, un sentiment profond de fiction s’installe, de retrait dans un monde qui ne s’explique pas. L’ombre de la terre ne se projette pas sur un espace logique, ni n’est logique, car la lumière, même cohérente, ne l’est pas davantage. La lumière du laser rejoint celle du feu – la plus haute technicité celle de l’archaïque – pour nous laisser finalement sans réponse, simple spectateur de ces observateurs étranges qui gravitent dans un monde sombre, envers de notre propre décor, envers de nos vies augmentées, éclairées à outrance. Au fond, un secret se tapit, qui attise notre œil sans lui laisser le loisir de se fermer dans une obscurité apaisée. Les catastrophes sont à prévoir, dans le calme de la nuit artificielle, des soleils fabriqués, et des mers optiques...
Sarah Ritter (1978) est diplômée de l’École nationale supérieure de la photographie d’Arles et de l’École nationale supérieure d’art de Paris-Cergy. Elle vit et travaille en France et à l’étranger.
Hortense SOICHET
Merci à tous pour votre travail
La disponibilité des produits en magasin ou leur livraison directement chez les particuliers repose sur l’organisation d’une chaîne logistique, dont les activités se concentrent dans de grands entrepôts situés à la périphérie urbaine. Dans ces architectures de tôles, travaillent au quotidien des milliers de personnes en charge de la préparation des commandes, de la gestion des stocks, des retours de marchandises, etc.
Ces manutentionnaires de la logistique représentent aujourd’hui en France 13 % de la masse ouvrière. Afin de rendre davantage visible leurs activités, je me suis rendue dans une dizaine d’entrepôts où sont manutentionnés des produits alimentaires, des textiles, des livres, du courrier, des colis ou encore des fournitures de bureau. J’ai voulu y montrer les gestes de ces travailleurs, leurs postures, leur savoir-faire, la cadence peu régulière des flux à traiter et la spécificité des différents sites photographiés. Ce que j’ai pu y voir est loin de l’image stéréotypée de l’immense entrepôt robotisé où l’individu aurait un rôle secondaire, voire d’assistance.
Au contraire, ces ouvrières et ouvriers sont au centre de la chaîne logistique, dépendant du flux de l’arrivée des marchandises par les convoyeurs. Les méthodes employées sont elles aussi très variables : dans certains, les manutentionnaires gèrent encore les stocks papier et stylo en main, là où d’autres sont équipés de casques pour que leur soient dictés le trajet et les gestes à effectuer. Et chaque entrepôt, chaque marchandise à manutentionner va nécessiter l’apprentissage d’un savoir-faire propre que les plus anciens vont apprendre aux nouveaux arrivants afin de les rendre opérationnels au plus vite.
Hortense Soichet (1982), membre du Studio Hans Lucas et docteure en esthétique, mène un travail sur la représentation des territoires et des modes de vie.